Extrait du livre « Faire et savoir-faire en Sarthe »

Auteur Mr Gérard FUSEAU, ©Éditions de la Reinette

La renaissance par le Made in France

Macosa, le premier façonnier de France en lingerie, corsetterie et balnéaire haut de gamme, a été créé par Claude Hache le 15 mars 1973. Auparavant ingénieur d'essais en vol chez Bréguet Aviation, il renonce à cette première vocation en raison des trop nombreux accidents mortels en vol et de la prudente obstination de son épouse. Grâce à un oncle présent dans un grand cabinet de conseil en management, il devient directeur industriel de Rosy, situé à Bonnétable. Deux années plus tard, il reprend l’entreprise avec 19 salariées. C'est le début de l'aventure Macosa.

Pendant les années 1970-1980, la libération des mœurs se propage rapidement au cinéma et sur les plages, les femmes n'hésitant plus à dévoiler un peu plus leur corps. La lingerie féminine évolue alors vers un produit de charme alors que jusque-là elle restait plutôt fonctionnelle. Des marques comme Chantelle, Lejaby, Boléro, ou Lou déploient leur sous-traitance auprès de nombreux façonniers. C’est la course au volume. Rachetée par Claude Hache en 1978 à Rennes, la Société briçoise de confection (SBC) se spécialise dans le maillot de bain. C’est à ce moment-là qu’il crée sa marque de lingerie de nuit Macosa Lingerie et aussi un bureau de style à Paris pour les modèles qu'il distribue via les comités d'entreprise et les boutiques multimarques. Mais victime d’une crise de croissance, la marque est arrêtée en 1984, provoquant le premier dépôt de bilan.

Avec l'évolution fulgurante de la mode, Somaco à Marolles-les-Braults et Somatex à Cérans-Foulletourte, créées en 1982, fabriquent d’abord de la lingerie puis du jeans, celui-ci étant devenu un classique de la mode vestimentaire. Des marques comme Lee Cooper, Levi Strauss, Vanhuysse, Jackmann, Ober, s’imposent. Mais rapidement, la chute des prix suscite la délocalisation vers le Maroc qui bénéficie par ailleurs d'accords commerciaux préférentiels avec les États-Unis. Claude Hache décide alors de reconvertir ses deux sites en ateliers de sous-traitance de lingerie. À l’arrivée de son fils en 1990, en provenance d’un grand cabinet conseil, Arthur Andersen, la situation est stabilisée malgré une forte pression sur les prix. D’emblée, Philippe Hache se plie à la nécessité d’apprendre à fabriquer le produit star de l’entreprise, le soutien-gorge, sous l’œil pointilleux de la chef d'atelier et du responsable méthode qui veillent au bon apprentissage du futur patron.

En 1993, l’histoire s’emballe : condamné pour un délit d'entrave envers une déléguée syndicale de Somaco, filiale du groupe Macosa, Claude Hache donne les clés du site à son fils en lui disant : « Je n’y mettrai plus les pieds ; tu en fais ce que tu veux ; tu la gères, tu la fermes, c'est ton problème, tu deviens pdg ! ». Voilà le fils « bombardé » pdg de la filiale mais la situation empire en 1995 avec l’arrivée de Vanity Fair, Sara Lee et Warner qui rachètent Lou, Bolero et Lejaby, et décident de délocaliser à tout va au détriment de leurs sous-traitants. Claude Hache, resté aux commandes de Macosa, initie alors une délocalisation à Madagascar. Malgré les douze heures d'avion, l’absence de décalage horaire et la population francophone constituent un avantage certain. Un industriel local, Charles Andriantsitohaina, issu d'une grande famille malgache très connue, ancien ministre, francophone, et de surcroît du même âge de Claude Hache, est le partenaire idéal. Le courant passe tellement bien que la décision est prise de construire une usine à côté de l'aéroport de Tananarive. Un jeune ingénieur malgache est recruté pour diriger la nouvelle entité et l'usine démarre avec une trentaine d’employés. Mais le vent des affaires a déjà tourné et la fin de l’aventure malgache coïncide avec la restructuration de toutes les entités du groupe. Nouvelle tentative de redressement en 1996 : le groupe crée sa propre marque, Éloquence Lingerie. Las ! Une erreur de stratégie dans la communication envers les clients oblige Macosa à rester sous-traitant plutôt que développer sa propre marque. Somatex ferme en 1997, Somaco en 1999, et Macosa réduit son effectif à 150 emplois. C’est dans ce contexte pénible que Claude Hache cède la barre à son fils pour piloter le redressement de toute l’entreprise.

C’est le début de la renaissance pour Macosa, avec de nouveaux produits comme le vêtement de plage, la lingerie grande taille, le sport, la maternité, pour de nouveaux clients dans le haut de gamme et le luxe. Le groupe Eres, sûr du savoir-faire de Macosa, lui confie le beau projet de développer une ligne de lingerie avec une matière pourtant difficile à travailler : le tulle. Cette matière demande des réglages techniques complexes et des compétences à compléter. Qu’importe ! Couronné de succès, ce premier défi est suivi rapidement de nouveaux contacts avec d’autres grandes marques comme Dior et son très médiatique directeur artistique John Galliano. En 2003, un bureau d’études est créé pour la mise au point des collections de jeunes stylistes des marques émergeantes. L’image de Macosa a ainsi complétement changé auprès des donneurs d’ordre et de nombreux clients lui font de nouveau confiance : Lise Charmel, Mademoiselle Henriett, Maison Lejaby, Couture, Yves Saint Laurent, Tricots Saint James…

Du modèle à la finition : une chaîne d’opérations d’une grande technicité.

Le cœur du savoir-faire de l’entreprise s’exprime d’abord par le modélisme. Souvent sur la base d’un simple concept de créateur réduit au strict minimum, le bureau d'études est capable de décliner toutes les collections et les modèles. Les essayages des prototypes avec les « mannequins cabines » se font à l’atelier, autant de fois que nécessaire. Mais ce sont les stylistes parisiens qui se déplacent à Bonnétable; qui l’aurait imaginé ? La salle de coupe optimise la consommation de tissu et assure aussi la coupe à façon pour les clients externes. S'appuyant sur un parc machines important, l'équipe de production s'adapte constamment en fonction de la taille des séries et de leur complexité. Confidentialité envers les clients, motivation, innovation, qualité, disponibilité, réactivité sont les maîtres-mots de l'équipe de production. Une vingtaine d'opératrices maîtrisent parfaitement les opérations les plus délicates de fabrication du soutien-gorge, probablement le produit le plus complexe à réaliser de toute la confection.

Dernier corsetier en France, Philippe Hache, souvent interviewé, assure la promotion de ce savoir-faire avec le Made in France tant recherché par les clients d’Angleterre, des États-Unis, des Pays arabes, de Russie et du Japon. Macosa compte aujourd'hui 110 salariés, des femmes pour la plupart, capables d'assurer une qualité irréprochable. L’entreprise a su traverser des périodes difficiles et cherche maintenant à pérenniser son savoir-faire et à prendre de nouvelles commandes. L’un des challenges à relever est aujourd’hui le renouvellement des salariées qui cesseront bientôt leur activité. C’est un point sensible car il n’y a pas de formation en corsetterie, les lycées encourageant aux métiers de modélisme plutôt qu’à la production. Philippe Hache a donc créé une école interne à l’entreprise pour former des demandeuses d’emploi et leur permettre d’apprendre toutes les étapes de fabrication : « Le but est que les ouvrières sachent maîtriser plusieurs types de machines : piqueuses, recouvreuses, surjeteuses… afin de changer de poste en fonction des besoins. »

Vers de nouveaux horizons…

Avec une notoriété maintenant bien établie, l’entreprise sait s’impliquer dans de beaux projets. L’année dernière, pour le défilé de présentation de la collection d’Yves Saint Laurent, l’entreprise est parvenue à fabriquer une série limitée de 180 exemplaires d’une lingerie en cuir en quelques jours seulement. Macosa n’hésite pas non plus à élargir son champ d’action, par exemple dans le domaine médical, pour la confection d’un soutien-gorge aux coutures inversées, porté après une intervention chirurgicale. Dans le monde du spectacle aussi : l’atelier a ainsi collaboré avec l'Opéra de Paris pour la fabrication de tutus de danse. Avec cette belle référence, l’entreprise prospecte maintenant tous les opéras de France, d’Espagne, de Belgique et bien sûr d’Italie. Ces commandes atypiques, même ponctuelles, consolident la notoriété de l’entreprise. Chaque nouveau projet est un défi : « J’aime les challenges, surtout s’ils nous apportent ensuite une commande importante. Alors, dans le doute, je préfère toujours me lancer, tester notre savoir-faire, notre capacité à répondre », affirme Philippe Hache. Dentelle, résille, soie, strass, tulle, viscose… quelle que soit la matière, Macosa sait en faire des dessous chics.